Les idées fortes du FMAT 2016

Les idées fortes du FMAT 2016

le 01/06/2016

 Retour sur le Forum Mondial sur l’Accès à la Terre et aux Ressources naturelles – 

Des représentants de la société civile, d’organismes de recherche et d’institutions gouvernementales de 70 pays se sont réunis fin mars pour appeler des réponses effectives contre la concentration foncière et l’exclusion massive des ruraux. Ils dénoncent le choix de l’exploitation des ressources naturelles dans le cadre d’entreprises de grande dimension et demandent la mise en œuvre de politiques publiques qui protègent et privilégient les usages familiaux et communautaires.

L’appel à organiser le FMAT lancé en 2014 et soutenu par 1000 organisations et personnes du monde entier (voir les signataires de l’appel FMAT ici) s’est concrétisé les 31 mars, 1er et 2 avril derniers à Valencia, en Espagne. 400 membres d’organisations paysannes, d’éleveurs, pêcheurs, communautés forestières et autochtones, d’ONG urbaines, d’organismes de recherche et d’institutions gouvernementales, autour des questions d’inégalités d’accès à la terre et aux ressources naturelles ((eau, ressources halieutiques, forêts…).

Le CTFD a financièrement appuyé l’évènement, permis la participation de certains membres du comité au forum, ainsi que la venue d’invités venus du Sud. Plus largement, la Coopération française a contribué à l’obtention de divers financements.

Les participants ont confronté leurs points de vue très divers sur les causes et les conséquences de l’accroissement des inégalités d’accès à la terre et aux ressources naturelles et sur les réponses à y apporter. Leurs travaux débouchent sur une conclusion claire : une réorientation politique globale est nécessaire en matière de foncier et utilisation des ressources naturelles.

Le FMAT a permis de disséquer les implications sociales, économiques et écologiques des modalités de « développement » qui s’imposent aujourd’hui. Les participants jugent qu’elles doivent être explicitement remises en cause pour la moindre valeur ajoutée et le faible nombre d’emplois que génèrent les entreprises capitalistes à salariés à grande échelle, souvent au prix de la dégradation irréversible de ressources naturelles normalement renouvelables.

L’analyse dégagée après ces 3 jours de débat conclut que ce mode d’exploitation des ressources naturelles s’est généralisé à la faveur de la libéralisation du commerce et des mouvements de capitaux (accord agricole du GATT/OMC, accords bi- et multilatéraux, plans d’ajustement structurels…) et l’abandon des politiques publiques soutenant l’agriculture familiale. Les meilleures terres agricoles, l’eau, les espaces forestiers et pastoraux, les pêches et les semences, et les bénéfices économiques de leur utilisation s’en trouvent accaparés par une minorité. Les ruraux dépossédés de leur perspectives d’existence sur leur lieu de vie sont contraints de migrer vers les villes de leur pays voire le quitter avec des conséquences qui seront beaucoup plus graves encore à moyenne échéance en terme de chômage, conditions de vie en milieu urbain, conflits et drames migratoires. Les outils d’information spécialisés et les médias généralistes ne permettent aux citoyens de se figurer ni cette relation de cause à effet ni son ampleur.

Les formes prises par cette évolution dans les différents contextes nationaux et régionaux, et les réponses politiques et citoyennes nécessaires ont été discutées au cours des sessions plénières et treize ateliers. La mise en commun de ces analyses a, de l’avis de tous les participants, fait apparaître que l’ampleur du problème est beaucoup plus importante qu’ils ne le pensaient. Ils ont ébauché de nouvelles alliances pour changer de direction.

En 2004, les attentes exprimées par la société civile lors du Forum Mondial sur la Réforme Agraire (FMRA) ont conduit la FAO à organiser deux ans plus tard, avec le Ministère du Développement Agraire du Brésil, la Conférence Internationale sur la Réforme Agraire et le développement Rural (CIRADR, Porto Alegre, Brésil, 2006). Il n’en s’en était plus tenu depuis 25 ans sur ce thème pourtant central des débats aux Nations Unies après la seconde guerre mondiale. Une centaine d’États s’y sont accordés sur la nécessité d’œuvrer pour un partage plus équitable des droits d’accès à la terre pour résoudre l’insécurité alimentaire, la faim et la pauvreté. Le principal résultat de ces discussions a été l’adoption, en 2012, des « Directives volontaires pour la gouvernance responsable de la tenure des régimes fonciers applicables aux terres aux pêches et aux forêts ». Leur application politique reste encore à opérer.

La « synthèse finale » du FMAT applaudie à l’issue du forum appelle à une mobilisation générale des organisations rurales et ONG urbaines. Elle demande aux gouvernements de transférer leur attention et leurs moyens vers les familles et communautés rurales. Elle vise entre autres objectifs la tenue d’une conférence des Nations Unies sur l’accès à la terre, car pour qu’un tel changement d’orientation soit possible et efficace, il doit être général et coordonné. Mais, les participants savent combien la mobilisation citoyenne est primordiale pour que la gouvernance du foncier et des ressources naturelles soit améliorée dans les faits. C’est à allier les organisations citoyennes rurales et urbaines pour les pousser à réorienter les politiques publiques et les régulations internationales que les parties-prenantes du FMAT entendent maintenant contribuer.