Mieux comprendre la place et le rôle du foncier rural dans les conflits civils

Mieux comprendre la place et le rôle du foncier rural dans les conflits civils

le 18/01/2016

Une journée de réflexion a été organisée le 16 décembre 2015, à l’Agence Française de Développement, sur les relations entre l’enjeu de l’accès au foncier rural et son contrôle et les conflits civils contemporains dans les pays en développement (voir les vidéos de la journée ici). Elle a mobilisé le réseau élargi du Comité technique « Foncier et développement », avec plus d’une cinquantaine d’experts, de chercheurs et de décideurs venus contribuer au débat.

Jean-Pierre Chauveau (IRD), co-organisateur de la journée avec Eric Léonard (IRD), a introduit la séance, en rappelant les points de repères essentiels d’ordre conceptuel, historique et méthodologique :

■ Le changement de nature des conflits depuis la fin de la guerre froide et l’avènement de guerres civiles portées par des groupes qui revendiquent des causes variées (identitaires, religieuses, de justice sociale ou territoriale) pour s’opposer à l’État, concomitamment à l’alignement de l’aide au développement sur le référentiel néo libéral encourageant le désengagement des Etats et la segmentation des politiques publiques selon un cadre sectoriel ;

■ L’entremêlement des facteurs de conflit et, parmi ceux-ci, de l’enjeu foncier dans le cycle des conflits. Sur le plan de l’analyse, il est plus pertinent d’analyser le nexus foncier/conflit civil en terme de processus plutôt que d’essayer d’identifier une causalité fondée sur  un facteur parmi d’autres (la pression foncière, par exemple) . La place du foncier rural dans ces conflits ne cesse de varier au cours du temps : déclencheur, force motrice, facilitateur, facteur de maintien ou de transformation…

■ Le foncier rural continuera de jouer un rôle crucial dans le déclenchement, le déroulement et la durée des guerres civiles, du fait de sa dimension territoriale, des déplacements de populations provoqués par les guerres et parce que le contrôle du foncier et de ses ressources constitue une source de revenu pour les protagonistes des conflits et les groupes qui les soutiennent. Parmi les ingrédients qui favorisent le plus la connexion entre enjeu foncier et violences civiles, on peut identifier à partir de la littérature : les situations présumées de « post-conflit », dans lesquelles il est souvent difficile d’allier retour à la paix et équité ; les situations de migrations rurales massives anciennes et/ou ayant une dimension plurinationale ; la mise en œuvre systématique de réformes foncières n’emportant pas l’adhésion des populations ou risquant à terme de faire jouer les mécanismes de marché au détriment des impératifs de cohésion sociale et pouvant déclencher des situations de conflit.

Cinq chercheurs et opérateurs ont ensuite présenté des contributions permettant d’apporter des éclairages spécifiques ou complémentaires :

  • Bruno Losch (Cirad) a replacé le thème de la journée dans le cadre des dynamiques de croissance endogène des économies rurales et des modèles de développement en Afrique, soulignant le poids des dynamiques démo-économiques et les faiblesses des politiques sectorielles segmentées qui sont proposées ;
  • Olivier Ray (AFD) a présenté les enseignements tirés par la cellule « crises et conflits » de l’AFD en matière de conflits liés à la mobilité en zone d’élevage dans le Sahel ;
  • Deux contributeurs sont ensuite venus éclairer les recompositions politiques et l’instrumentalisation faite du foncier en situation de post-conflit : Dominik Kohlhagen (Institut Max Planck) sur la région des Grands Lacs (Rwanda, Burundi et RDC)  et Jacobo Grajales (Université de Lille) sur le cas de la Colombie ;
  • Jean-Pierre Jacob (IHEID) a proposé une réflexion autour des processus à travers lesquels les tensions foncières débouchent sur des conflits ouverts ou sur des conflits régulés à partir de cas cambodgien, indonésien et burkinabè.

Chaque présentation a été suivie d’un débat introduit par un discutant. Éric Léonard et Michel Merlet ont ensuite présenté une synthèse « à chaud » des interventions. La journée s’est conclue par des enseignements et des perspectives tirés par Jean-Luc François (AFD) au titre de Grand témoin, et par une intervention de Gaël Giraud, Economiste en chef de l’AFD.

Les vidéos des interventions de la journée sont maintenant disponibles en ligne sur le portail ici. Une note de synthèse restituant les débats sera produite dans les prochaines semaines et mise en ligne dans la rubrique « Publications du comité » du portail.

Dans la continuation de cette journée, un numéro spécial de la revue Afrique Contemporaine sera consacré au thème « foncier rural et des guerres civiles » et publié en 2017.