Vietnam
Depuis la mise en œuvre de sa politique d’ouverture économique en 1986 (Doi Moi), le Viêt Nam a entrepris de se doter d’institutions foncières, celles-ci ayant disparu au nord pendant les trente années de la collectivisation. Deux lois publiées en 1993 et en 2003, en sont les éléments majeurs. La première mit fin aux coopératives en reconnaissant le droit d’usage des terres agricoles aux foyers et aux individus et en leur attribuant des droits de gestion dérivés fondamentaux (droits d’échanger, de céder, de louer, de laisser en succession et d’hypothéquer) pour des périodes relativement longues. Elle fut suivi d’une allocation quasi généralisée des terres agricoles (moins massivement des terres forestières) sur des bases égalitaires. La seconde loi porte plutôt sur les terres non agricoles (urbaines, industrielles, commerciales…) et met en place les conditions permettant au foncier d’être mobilisé pour soutenir le développement économique du pays. Le nombre des usagers reconnus est étendu et les conditions d’accès assouplies, permettant notamment aux intérêts étrangers d’accéder à des baux locatifs de long terme. Les conditions de transformation du foncier agricole en non-agricole, elles aussi assouplies, accélèrent un processus de conversion des terres déjà largement entamé.
Ce processus pose problème. La demande en terre est considérable et touche surtout les terres basses rizicoles hautement productives mais déjà urbanisées et très fortement peuplées dans un pays où les terres encore « disponibles» sont globalement rares. Cela se traduit par des tensions très fortes sur et à propos des terres agricoles, tensions qui sont accentuées par le statut spécifique dans lequel sont maintenues ces terres afin de garantir un accès égalitaire des ruraux au foncier agricole. Dans les faits, ce statut pénalise les agriculteurs lors des expropriations. Leurs droits d’usage sont en effet compensés selon la valeur agricole de la terre puis concédés ou loués comme terres non agricoles à des prix bien plus élevés, autorisant des plus-values considérables qui leur échappent et laissent libre champs à de nombreuses entreprises de corruption et délits d’initiés.
Il en résulte des manifestations à répétition qui émeuvent de plus en plus l’opinion publique et remettent en cause l’équilibre fragile entre idéologie socialiste et choix économique libéral, équilibre savamment travaillé au sommet de l’Etat par le duo/duel entre le Parti et le gouvernement. En 2007-2008, la crise alimentaire mondiale, fortement ressentie au Viêt Nam, a aussi pointé du doigt les limites des choix de développement faits et sonné un retour – timide mais réel – vers l’agriculture. Il faut aujourd’hui attendre la publication de la nouvelle loi foncière, en cours d’écriture, pour savoir quelle direction aura pris le gouvernement.