Ouvrage

La fabrique des politiques publiques. Les décideurs haïtiens entre environnement international et conceptions locales de l’appropriation foncière

Véronique Dorner (LAJP) | Comité technique "Foncier et développement" | 2010 | ,
La fabrique des politiques publiques. Les décideurs haïtiens entre environnement international et conceptions locales de l’appropriation foncière

Ce travail propose, avec une décennie de recul, un retour sur la réforme agraire mise en œuvre en Haïti entre 1996 et 2000. Il s’appuie sur des résultats de recherche antérieurs, dans les deux plaines du pays où cette réforme a été tentée, la plaine de l’Artibonite d’une part et, d’autre part, la plaine couvrant la partie septentrionale du département du Nord-Est. Ces données sont complétées par une enquête de terrain aux mois d’août et septembre 2007 dans les deux régions concernées et à la capitale.

La réforme agraire haïtienne comportait en fait deux volets. Un volet foncier visait à intégrer ou réintégrer au domaine privé de l’Etat des terres en conflit ou dont le statut foncier n’était pas clair, notamment par expropriation des supposés ou prétendus propriétaires. Le volet proprement agraire, s’appuyant sur le précédent, visait à modifier les rapports de production et les contrats agraires sur ces terres et à en optimiser la mise en valeur, en transformant les métayers et fermiers de grands possesseurs d’une part et les occupants sans titres d’autre part, en bénéficiaires de contrats de mise à disposition de ces terres désormais considérées comme domaniales, sous contrôle d’organisations paysannes ad hoc.

L’étude montre comment, au-delà de leurs objectifs agricoles « techniques », agraires et fonciers, les politiques publiques sont contraintes en la matière non seulement par des enjeux proprement politiques, nationaux et internationaux, mais également par l’histoire agraire et foncière, ainsi que les représentations et les pratiques qui se sont peu à peu profondément inscrites dans le paysage social. Elle analyse le rôle des acteurs institutionnels, des bailleurs étrangers ainsi que des organisations de la société civile haïtienne, mais aussi des propriétaires, possesseurs et / ou exploitants du fonciers à divers titres, dans un contexte où des objectifs de survie quotidienne et de minimisation des risques restent premiers pour les paysans à qui cette réforme devait bénéficier.

Elle témoigne de ce que pour aboutir, dans un domaine aussi sensible, une politique publique doit prendre en compte cette réalité dans ses diverses dimensions, en même temps qu’elle se donne les moyens matériels et légaux lui permettant de prévenir les conflits intra et inter-institutionnels et de se projeter dans le long terme.

En s’appuyant sur une analyse des impasses dans lesquelles s’est retrouvée la réforme agraire haïtienne, elle abouti sur des enseignements et des pistes pour la réflexion sur les urgences politiques dans le domaine foncier.