Thèse/mémoire

La génèse des politiques publiques foncières comme mode d’action de l’État ougandais sous le leadership de Y. Museveni

Lauriane Gay (Université Montpellier 1) | Comité technique "Foncier et développement" | 2014 |
La génèse des politiques publiques foncières comme mode d’action de l’État ougandais sous le leadership de Y. Museveni

En Ouganda, de nombreux textes juridiques encadrent la gestion de la terre et des sols. Ces exercices juridiques forment le corps des politiques publiques foncières et se sont multipliés à la prise de pouvoir par le National Resistance Mouvement (NRM) en 1986. Ils participent à la reconstruction de ce pays ravagé par vingt années de dictature sous les gouvernements de Milton Obote et du général Idi Amin Dada et permettent l’expression d’idées et d’intérêts parfois déconnectés du problème initial. En novembre 2009, un amendement au Land Act de 1998 est voté au parlement, malgré trois années de contestation intense émanant de divers acteurs dont l’intensité s’est notamment traduite par des émeutes à Kampala en septembre 2009. Ces violences ont provoqué vingt-sept morts et six cents arrestations. Initialement, l’interdiction gouvernementale d’un déplacement programmé du roi du Buganda a attisé les tensions. Ces violentes manifestations orchestrées par des militants baganda, des habitants du royaume, étaient les premiers signes d’un mécontentement à plusieurs volets dont l’imposition par le gouvernement central de cet amendement fait partie.

Cet événement est révélateur de la nécessité d’appréhender l’analyse des politiques publiques foncières en Ouganda sous un angle politique. L’étude des politiques publiques foncières est souvent envisagée sous un angle technique, leur mise en oeuvre effective et leurs effets non attendus étant des sujets préférées aux questions de domination et de rapport de pouvoir que sous-tendent ces politiques. À travers l’exemple de l’Ouganda, cette étude s’inscrit dans le cadre d’une réflexion sur la « politisation de la question foncière » et l’exercice du pouvoir dans les pays d’Afrique subsaharienne. Elle a pour objectif de comprendre le processus de formulation politique des politiques publiques foncières en Ouganda via une approche diachronique en se focalisant  prioritairement sur les idées et intérêts participant à la structuration des oppositions émergeant entre 1986 et 2010.

Cette étude montre que le processus de formulation des politiques publiques foncières est profondément lié à l’exercice du pouvoir et de sa remise en cause. En Ouganda, la transformation des ressources foncières en ressources politiques participe pleinement à la reconstruction de cet État néo-patrimonial. Cette transformation s’opère par une politisation de la question foncière permettant la séduction d’un électorat et l’expression de multiples revendications politiques. Le droit est utilisé pour fabriquer du compromis, mais également pour rompre ces équilibres fragiles grâce aux amendements. Cette étude atteste ainsi de la co-construction des politiques publiques foncières. Ces exercices juridiques ne sont pas le fait d’une imposition autoritaire du pouvoir en place, mais les fruits de débats portés et animés par de nombreux acteurs issus de différents forums.

La politisation de la question foncière s’opère notamment dans des cadres régionaux témoignant de l’attachement identitaire des communautés aux droits d’accès à la terre. Ce sont ces représentations sociales du foncier qui, portées dans les arènes du pouvoir, composent les cadres d’opposition vecteurs de compromis. Les marges de manoeuvre et stratégies utilisées par les mouvements contestataires sont par ailleurs profondément liées aux transformations internes du régime politique. Les diverses représentations sociales du foncier combattent unanimement l’idée d’une unification des droits d’accès à la terre où la citoyenneté nationale serait au service du titre de propriété et d’un marché des terres déconnecté des pratiques locales et des institutions traditionnelles. Ces représentations plurielles attestent d’une lutte pour le contrôle de la ressource foncière que ce soit au niveau des communautés
locales ou du gouvernement.