Ouvrage

La réforme foncière au Viet Nam. Analyse des jeux d’acteurs et du processus de transformation des institutions aux échelons central et provincial

Marie Mellac, Frédéric Fortunel, Tran Dac Dan | Comité Technique "Foncier et développement" | 2010 | ,
La réforme foncière au Viet Nam. Analyse des jeux d’acteurs et du processus de transformation des institutions aux échelons central et provincial

Parce qu’elle est cœur du dispositif de redistribution des ressources mis en place par l’État vietnamien depuis qu’il s’est engagé dans la voix du «socialisme de marché», la législation foncière, à travers son évolution et les débats qui l’entourent, est révélatrice du processus de transformation profonde de la société vietnamienne dans son ensemble. Cette évolution est marquée par des hésitations et des contradictions qui s’expriment à plusieurs niveaux : dans le processus de production de la législation qui procède par à-coups au niveau national et se traduit par des incohérences légales notamment par la création de décalages entre échelons institutionnels ; dans les textes fondamentaux qui oscillent entre affirmation de principes « socialistes » (État propriétaire de la terre) et mise en place de dispositions destinées à faciliter le développement d’un marché foncier.

Ces hésitations font qu’il se constitue progressivement un foncier à deux vitesses. Une partie des terres – la grande masse des terres agricoles et forestières – est allouées à titre gratuit et continue à être gérée par le pouvoir central selon des dispositions censées garantir un accès égalitaire et durable des foyers ruraux à ces terres. Une autre partie, rendue mobilisable à loisir dans la première catégorie, est gérée de manière libérale de façon à soutenir le développement économique du pays. Cette dichotomie est montrée du doigt par les nouveaux acteurs étrangers du foncier (la Banque Mondiale notamment) et par certains cadres nationaux qui y voient une cause importante de corruption et de dysfonctionnements et un facteur de pressions pour laisser le marché s’exprimer sans entrave. Certains cadres nationaux insistent cependant sur la nécessité de concilier les impératifs de la transition vers la modernité (le Viêt Nam a pour objectif de devenir un pays industriel et urbain à l’horizon 2020) et les besoins de la population rurale, fragile mais numériquement majoritaire, et qui fut longtemps habituée à porter les valeurs socialistes.

La crise alimentaire mondiale de 2007 semble avoir donné raison temporairement à ces derniers en rappelant au Viêt Nam qu’il n’en avait pas fini avec l’agriculture et que la maîtrise du foncier rural demeurait un levier politiquement efficace (par le gel des terres agricoles). L’évolution de la législation reste cependant, sur le long terme, marquée par une libéralisation toujours plus grande, renvoyant les principes du socialisme à une dimension de plus en plus symbolique.

Le rapport est également disponible en version anglaise.