Depuis le tournant des années 2000, l’extraction des matières premières (pétrole, or, métaux rares, etc.) a connu une croissance sans précédent, bouleversant les écosystèmes locaux dans les zones où les industries s’installent ; des opérations commerciales à grande échelle accaparent des terres paysannes et des agences de coopération soutiennent des programmes de modernisation de la production agricole qui finissent par priver des communautés villageoises de leurs terres. Et alors que ces mutations n’entraînent que désarroi, déracinement et paupérisation, les logiques économiques et financières qui les préconisent se prétendent inéluctables. Ces politiques sont en effet formulées le plus souvent dans un appareillage théorique qui entrave l’élaboration de problématiques alternatives.
Cet ouvrage poursuit donc un double objectif. D’une part, en réunissant des analyses anthropologiques de situations très diverses (Asie, Afrique, Amérique Latine), il montre la similitude (et la complexité) des situations locales où des populations, soutenues ou non par des pouvoirs locaux, par des associations, des ONG, des instances publiques, affrontent (ou composent avec) les stratégies des entreprises étrangères et les politiques d’Etat. Il accorde une attention particulière aux mutations des argumentaires et des dispositifs de « gouvernance » autour des objets de conflit (terre, eau, environnement, richesses minières, etc).
D’autre part, conscient que nos habitudes de pensée confèrent la prééminence aux formules élaborées par ces économies extractivistes elles-mêmes, cet ouvrage entend également dénaturaliser les catégories qui formatent le sens commun et conditionnent l’acceptabilité sociale de telles pratiques prédatrices : sont en jeu non seulement l’avenir de ces sociétés mais celui de toute la planète.