Le foncier agropastoral, les effets induits par les déplacements massifs de populations et des programmes de formalisation des droits à l’agenda de travail du Comité Foncier

Le foncier agropastoral, les effets induits par les déplacements massifs de populations et des programmes de formalisation des droits à l’agenda de travail du Comité Foncier

le 28/05/2025

Le Comité Technique « Foncier et Développement » a démarré une nouvelle phase en mars 2025 pour une durée de trois ans. Elle vise à accompagner les acteurs stratégiques du foncier via la production de connaissances et la facilitation du dialogue multi-acteurs pour l’élaboration et la mise en œuvre de politiques foncières.

Le vendredi 11 avril 2025, une première réunion des membres a eu lieu pour préparer le programme de travail du Comité Foncier et identifier, sur la base de réflexions collectives réalisées en amont et des retours des membres, les trois thématiques prioritaires qui seront traitées dans le cadre de chantiers de réflexion collective.

 

Sécurisation du foncier agropastoral

La désignation de l’année 2026 comme « Année internationale du Pastoralisme » confère une priorité stratégique à cette thématique sur lequel le Comité et ses partenaires s’étaient déjà investis ces dernières années. Face à un contexte marqué par la dégradation de la situation sécuritaire au Sahel, l’effritement de la cohésion sociale, la fermeture des frontières de plusieurs Etats menaçant la transhumance, les décideurs et organisations professionnelles d’Afrique de l’Ouest avaient réaffirmé en novembre 2024 lors de la déclaration de Nouakchott+10 la nécessité de soutenir des approches intégrées au niveau des territoires pour renforcer les complémentarités entre activités agricoles et d’élevage. Des engagements ont été renouvelés pour poursuivre la coopération transfrontalière, soutenir les investissements publics sur les territoires ruraux et accompagner les mécanismes de gouvernance régulant l’accès aux ressources.

Des dispositifs locaux de sécurisation de la vocation des terres pastorales et des aménagements structurants ont été promus dans plusieurs pays au niveau des communes ou des intercommunalités, mais demeurent insuffisants au regard des enjeux. Face à l’appropriation croissante des terres collectives, des réflexions sur les approches pouvant permettre de sécuriser les droits et communs pastoraux en Afrique de l’Ouest demeurent primordiales. Quelles stratégies efficaces promouvoir afin d’éviter la privatisation progressive des espaces pastoraux ? Quel statut juridique pourrait permettre de mieux sécuriser ces communs ? Quelles évolutions législatives et modalités de gouvernance sur les territoires promouvoir pour mieux protéger les droits pastoraux et les accords négociés localement sur le partage de l’accès aux ressources ?

Le chantier permettra de dresser un panorama des approches développées dans différents pays et de mener des études de cas sur certains territoires, notamment dans les pays côtiers. Ces travaux visent à apporter des éclairages contextualisés à ces différentes questions afin d’alimenter les dialogues politiques en cours dans les pays.

 

Recompositions foncières induites par les déplacements forcés de populations

Les discussions entre les membres ont mis en évidence, comme seconde priorité, l’analyse des recompositions foncières induites sur les territoires d’accueil des personnes déplacées et réfugiées à cause de conflits violents. Comment s’organise l’accès au foncier dans les territoires d’accueil pour prévenir les tensions et réduire les vulnérabilités des personnes accueillies ? Comment adapter les politiques foncières aux dynamiques induites par les déplacements massifs ? Quelles approches ont permis de renforcer la cohésion sociale et de prévenir la survenue de nouveaux conflits autour du foncier ?

Les membres du Comité ont souligné l’importance de documenter et de comprendre les dynamiques à l’œuvre, les conséquences des conflits sur les différents acteurs à chaque échelle, et de réfléchir aux moyens d’améliorer les pratiques en tirant des enseignements de la manière dont les Etats et collectivités territoriales ont fait face à l’urgence en matière de prise en charge des réfugiés et déplacés internes.

Il a été proposé pour cela d’analyser les solutions apportées sur certains territoires par les autorités publiques, et de documenter les nouvelles dynamiques observées : mécanismes permettant de réduire la vulnérabilité des déplacés et des familles qui les accueillent, renégociation des accords socio-fonciers passés, évolutions des solidarités familiales, dynamique des marchés fonciers, reconfigurations institutionnelles, etc. Il a été évoqué l’importance de donner une perspective historique à ces analyses, afin de situer les recompositions récentes induites par l’arrivée de ces nouvelles populations dans les trajectoires des territoires d’accueil.

 

Effets des programmes à grande échelle de formalisation des droits

La dernière thématique a été choisie par les membres au regard des inquiétudes suscitées par le déploiement à grande échelle de programmes de formalisation des droits fonciers dans plusieurs pays. Le Comité avait déjà conduit il y a 10 ans un travail sur le sujet qui avait souligné combien les dispositifs de formalisation des droits fonciers peinent à répondre aux enjeux d’une gouvernance inclusive et durable. En effet, les approches de formalisation sont souvent centrées sur les droits d’appropriation individuels, négligeant les droits collectifs et droits délégués. Elles fragilisent de ce fait les modalités de gouvernance fondées sur le partage de l’accès au foncier et aux ressources (au sein des familles, entre villages engagés dans des relations de tutorat, entre usagers d’une même parcelle à différents moments de l’année) pouvant ainsi accentuer les phénomènes d’exclusion.

Ces approches, de plus en plus soutenues par les bailleurs de fonds, en priorisant l’enregistrement des droits, tendent de plus à occulter d’autres dimensions essentielles de la gouvernance foncière, telles que la sécurisation des transferts de droits, la négociation de règles locales sur la gestion des ressources naturelles, le renforcement des instances locales de gestion des conflits ou encore l’aménagement du territoire.

Les membres ont proposé de documenter les effets des gros programmes de formalisation des droits sur un échantillon de territoires et notamment d’analyser les reconfigurations de pouvoir qui s’exercent au niveau local/national, ainsi que les effets de ces programmes sur les différents groupes de bénéficiaires, etc. A quelles institutions et corps de métier profite la certification ? Quels sont les droits photographiés et les détenteurs de droits reconnus ? Quelle est la fréquence des transactions marchandes, des demandes de baux ou de titres sur les terres avec certificat foncier ? Quelle est la fréquence des morcellements de certificats collectifs ? Observe-t-on une perte de droits des femmes en cas de morcellement ? Les transactions foncières ou les morcellements conduisent-ils à une concentration foncière ou à un émiettement ? Quels sont les effets de la sécurisation foncière rurale sur l’usage des terres et les pratiques agraires ? Telles sont quelques-unes des questions qui seront traitées dans le cadre de ce chantier collectif.

En parallèle de ces trois chantiers collectifs, qui seront animés par des équipes dédiées et lancés progressivement, le Comité poursuivra l’organisation de journées thématiques, l’appui aux jeunes chercheurs et accompagnera aussi certains de ses partenaires, notamment en Afrique de l’Ouest (Bénin, Côte d’Ivoire, Guinée, Sénégal) et à Madagascar pour favoriser leur contribution au dialogue politique.