Etude opérationnelle

Etude de capitalisation du PDIDAS

Ba Alpha (CRAFS) | CRAFS | 2022 |
Etude de capitalisation du PDIDAS

Le  CRAFS (cadre de réflexion et d’action sur le foncier au Sénégal) a conduit en 2022 une étude de capitalisation du PDIDAS (Projet de Développement Inclusif et Durable de l’Agrobusiness au Sénégal). Le PDIDAS, financé à hauteur de 43 milliards de FCFA (prêt de la Banque Mondiale de 40 milliards de FCFA et don de 3 milliards du FEM), est intervenu dans 9 communes autour du lac de Guiers. Il visait à aménager 10 000 hectares, en mobilisant d’une part les terres des communautés et d’autre part les ressources financières d’entreprises commerciales. Il s’agissait ensuite de mettre à disposition les terres aménagées pour moitié aux entreprises commerciales privées et pour l’autre moitié aux producteurs locaux.

Démarré au moment où l’Etat avait engagé un large processus de concertation pour élaborer les orientations de sa réforme foncière, la mise en place du PDIDAS a aussi été présentée par ses promoteurs comme une opportunité pour tester un nouveau modèle de gouvernance foncière par une nouvelle approche et de nouveaux instruments juridiques reposant sur la délivrance de baux et sous-baux.

Afin de suivre cette dynamique et apporter tout le soutien nécessaire aux populations concernées, le CRAFS a mis en place en 2015 une phase pilote de l’Observatoire national de la gouvernance foncière (ONGF). Il s’agissait d’assurer une veille citoyenne dans les zones d’intervention du PDIDAS et d’accompagner les maires concernés en les aidant à s’organiser au sein d’un collectif. Ce n’est qu’après cette forte implication, à l’initiative de la société civile pour venir en appui aux communes, qu’il y a eu une intégration officielle du CRAFS et des maires des communes d’intervention dans le dispositif de suivi du PDIDAS.

La capitalisation a permis de retracer le processus de mise en œuvre du projet et de recueillir les perceptions et ressentis des acteurs locaux concernant les résultats obtenus par le PDIDAS après 7 années d’intervention. En présence des maires des communes, d’élus locaux, leaders paysans, responsables de GIE et représentants de la société civile, de la SAED, du PROCASEF et d’experts, une restitution a également de partager le bilan réalisé par les acteurs locaux, qui a été unanime. Bien que le projet ait suscité beaucoup d’espoirs au démarrage, les résultats obtenus sont loin d’être satisfaisants de leur point de vue. Certains acquis ont été soulevés : des bureaux fonciers ont été construits au niveau des communes, des agents fonciers et chauffeurs recrutés, des véhicules mis à disposition des maires et des procédures de régularisation foncière entamées. Mais si on se réfère aux objectifs initiaux, on est loin des ambitions initiales.

Sur un objectif initial de 10 000 ha, la capitalisation montre que le PDIDAS n’a permis d’ aménager à la date de sa clôture que 14% des surfaces prévues. Et dans les aménagements hydro-agricoles réalisés, les exploitants qui y sont  installés soulignent la nécessité de les appuyer pour qu’ils puissent réellement les mettre en valeur. Parmi les manquements soulevés par les communautés et les maires, plusieurs points ont été soulevés : (i) la clôture du projet sans remise aux communes des données foncières les concernant, (ii) la recrudescence des conflits liés aux opérations de cessions et réaffectations de terres intervenues dans le cadre du projet sans clarification au final de la situation foncière des terres n’ayant finalement pas été aménagées, (iii) la difficulté de pérennisation des agents fonciers recrutés par le projet dans leur fonction car les communes n’ont pas les capacités financières pour les prendre en charge avec les niveaux de salaires qui avaient été mis en place par le PDIDAS. 

De nombreuses recommandations ont été formulées par les acteurs locaux pour sortir des difficultés présentes actuellement dans la zone et ne pas reproduire à l’avenir les mêmes erreurs. On peut citer notamment quelques-unes d’entre elles : (i) clarifier la situation des terres ayant fait l’objet de désaffectations et de délibérations au nom de GIE et sur lesquelles aucun aménagement n’a finalement été réalisé ; (ii) faire un suivi avec les communes des parcelles ayant obtenu des délibérations et un numéro NICAD qui ont été vendues pour alerter sur les risques de marchandisation accrue du foncier liés à ces procédures de sécurisation foncière ; (iii) poursuivre le plaidoyer auprès de l’Etat du Sénégal pour qu’il puisse payer les entreprises chargées de finaliser les aménagements ; (iv) consolider les données foncières disponibles concernant les parcelles ayant fait l’objet d’une régularisation et mettre ces données à la disposition des communes ; (v) poursuivre la dynamique portée par le collectif des maires pour sortir des impasses actuelles et porter le plaidoyer auprès de l’Etat ; (vi) communiquer largement sur la capitalisation de ce projet pour que les mêmes écueils ne soient pas rencontrés par d’autres communes dans le cadre de futurs projets et que des dispositifs de veille, à l’instar de celui joué par la société civile dans le cas du PDIDAS puissent être systématisés ; (vii) réorienter les stratégies d’intervention des projets avec une composante foncière (notamment le PROCASEF) vers un renforcement des compétences transférées aux communes en matière de gestion foncière et en faire des portes d’entrée pour toutes les activités prévues, avec l’appui des services déconcentrés de l’Etat et des sociétés publiques.