Côte d’Ivoire

Appui à la plateforme ALERTE-Foncier en Côte d’Ivoire

Depuis 2019, le Comité technique « Foncier et développement », présidé par le Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères et l’Agence Française de Développement appuie des réseaux d’acteurs stratégiques sur les réformes foncières dans 7 pays d’Afrique de l’Ouest (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée, Mali, Niger, Sénégal) et à Madagascar.

En Côte d’Ivoire, malgré de nouvelles réformes foncières engagées ces dernières années, dont la loi sur le domaine foncier rural (Loi n°750 du 23 décembre 1998) qui organise le titrage systémique des droits coutumiers en droits de propriété privée, les conflits fonciers intercommunautaires semblent toujours nombreux, exacerbés par la montée des tensions dans les territoires en lien avec l’extrémisme violent (voir en particulier la page Côte d’Ivoire, la note de synthèse n°21 et le regard sur le foncier n°4 sur le portail foncier)

Face à cet état des lieux de la sécurisation foncière marqué par de nombreuses controverses, les appuis du CTFD ont pris tout leur sens en contribuant au renforcement du dialogue multi-acteurs pour une gouvernance foncière rurale responsable, à travers la mise en œuvre d’activités stratégiques de la Plateforme ALERTE-Foncier. Cette dernière est animée par Inades-Formation qui assure la présidence du Groupe de Coordination Stratégique (organe politique) et regroupe 300 membres dont 96 OSC (58 OSC provenant de l’intérieur du pays et 38 OSC résidant à Abidjan) et 204 personnes physiques (81 personnes physiques provenant de l’intérieur et 123 résidants à Abidjan). Les appuis du CTFD ont eu trois grands objectifs :

  • Mettre en place les conditions pour faire de la plateforme une organisation fiable et forte qui porte les aspirations partagées de ses membres pour une politique foncière plus juste et équitable, dans une perspective de cohésion sociale et de développement durable ;
  • Documenter et produire de la connaissance empirique sur des enjeux liés à la mise en œuvre de la réforme foncière et les mettre en débat avec les membres de la plateforme sur deux problématiques clefs ;
  • Mettre en place des actions pour faciliter la construction de positionnements communs entre les membres et influencer des politiques foncières au niveau national.

Les principales actions soutenues par le comité concernent :

La conduite de deux études et leur restitution aux membres de la plateforme à différentes échelles.

La première étude a porté sur les stratégies et logiques communautaires face aux processus de sécurisation foncière, et en particulier les opérations de délimitation des territoires villageoises (DTV) et de certification foncière. Elle a permis d’aller en profondeur sur le profil des catégories d’acteurs, leurs motivations ainsi que leurs stratégies, très divergentes, pouvant faciliter ou entraver le processus de sécurisation (DTV et certification). La réticence des communautés locales est nourrie par plusieurs facteurs : (i) économiques, liés à l’importance de l’orpaillage ; (ii) sociaux, dont la peur des populations locales que le processus rompe des liens communautaires entre villages voisins et conduise à une perte de biens fonciers, (iii) politico-institutionnels, du fait d’une politisation du certificat foncier et le paiement d’un impôt foncier, l’inefficacité des stratégies de sensibilisation conduisant à des mal-informations, etc. L’étude est téléchargeable ici.

La seconde étude a concerné l’analyse des concurrences normatives constitutives de blocages dans la mise en œuvre de la loi de 1998 et la clarification du champ de compétence de la loi de 1998 avec les codes et cadres régissant les zones périurbaines, les zones touristiques, les espaces ayant fait l’objet d’une déclaration d’utilité publique, les zones protégées. L’étude a permis de souligner un éparpillement de textes et une contradiction entre eux, expliquant la méconnaissance de ces derniers tant par les populations locales que par les professionnels du secteur foncier. Cette seconde étude est téléchargeable ici.

Réalisées entre septembre 2022 et juin 2023, les deux études ont permis de formuler plusieurs recommandations qui seront priorisées par les membres de la plateforme avant d’être mises en débat dans le cadre du plaidoyer de la plateforme et de ses membres, avec les acteurs des politiques foncières en Côte d’Ivoire.

Deux notes de politiques issues de ces études sont également en cours de finalisation.

La tenue d’assises nationales sur les liens entre foncier et dynamiques relevant de l’extrémisme violent.

Organisées en décembre 2022, les assises ont permis de mieux cerner les différents risques socio-économiques et environnementaux existant actuellement : les groupes armés liés à l’extrémiste violent opèrent généralement à partir des espaces protégés (parcs nationaux, réserves naturelles, forêts classées) favorisant des risques d’accaparement des terres et d’abandon des activités agricoles par les populations locales. Ils instrumentalisent localement les rapports fonciers et alimentent les conflits intercommunautaires. Leur pénétration est également favorisée par différents facteurs : instabilité socio-politique, inégalités socio-économiques et statutaires, etc.

Plusieurs recommandations ont été formulées à l’issue des débats, dont la mise en place d’un cadre national et de cadres régionaux de concertation multi-acteurs, la mise en place et l’animation d’un comité de veille stratégique, la promotion de conditions de bonne gouvernance des ressources foncières et l’amélioration des conditions de développement économique et social des populations les plus vulnérables.

Ils ont donné lieu à la publication d’actes synthétisant les présentations et échanges en salle, et à l’élaboration d’une note de politique téléchargeable sériant des recommandations à destination des pouvoirs publics.

Les prochaines assises nationales se tiendront en décembre 2023 sur le thème de « l’urbanisation galopante, et de ses impacts sur les domaines connexes, notamment le domaine foncier rural ».

Le suivi-citoyen du Projet d’Amélioration et de Mise en Œuvre de la Politique Foncière Rurale (PAMOFOR)

Le projet PAMOFOR, financé par la Banque Mondiale sur 5 ans (2018-2022) a pour objectif d’améliorer la sécurisation foncière en travaillant sur deux grands volets : le renforcement des capacités institutionnelles d’une part, et la mise en œuvre des opérations de sécurisation foncière d’autre part. Pour (i) favoriser la défense et la promotion des intérêts des populations rurales en vue de leur meilleure implication, (ii) renforcer la réactivité des constats et alertes pour une adaptation de la mise en œuvre et (iii) anticiper la prévention des échecs des activités des projets, la plateforme Alerte-foncier a mis en place, en s’appuyant sur ses membres dans les territoires, un suivi citoyen de ce projet structurant pour la mise en œuvre de la réforme foncière en Côte d’Ivoire.

A l’issue de ce suivi-citoyen, il est attendu que des contributions pertinentes en matière de gouvernance foncière en soient sorties, de les mettre en débat avec les membres de la plateforme et d’en porter les résultats auprès de l’AFOR.

Le renforcement des capacités des points focaux et de l’ancrage territorial de la plateforme dans les régions de la Côte d’Ivoire, ainsi que le développement de stratégies de plaidoyer

Les membres de la plateforme et ses organes clefs de gouvernance (à savoir le Groupe de Coordination Stratégique, le Comité scientifique, le commissariat aux comptes et le secrétariat technique), ont pu bénéficier de sessions d’échanges et de renforcement de capacités sur différents thèmes tels que « la sécurité foncière et les enjeux de souveraineté alimentaire » et « la mobilisation communautaire autour de la question foncière ». Il s’agissait de renforcer les membres pour qu’ils disposent d’une meilleure connaissance des enjeux, des cadres juridiques, opérationnels et institutionnels, ainsi que dans leur capacité à être forces de propositions dans les dialogues politiques. Les 31 points focaux régionaux de la plateforme dans les territoires ont par ailleurs bénéficié de sessions de formations et d’appui sur leur rôle à jouer pour faire vivre le réseau et faciliter la remontée des dynamiques foncières en cours dans leur territoire.

Par ailleurs, pour mieux piloter les activités de plaidoyer, ALERTE-Foncier a travaillé à préciser et renforcer sa stratégie de plaidoyer en la basant sur les connaissances disponibles et les fenêtres d’opportunité dont elle dispose pour davantage peser auprès des pouvoirs publics. Cette stratégie définit en particulier les thèmes, les enjeux, les acteurs à cibler, le calendrier ainsi que les principes que les membres veulent se donner pour nouer des alliances stratégiques avec d’autres acteurs.