Sénégal

Appui au Cadre de réflexion et d’action sur le foncier au Sénégal (CRAFS), réseau d’acteurs de la société civile impliqués dans le processus de réforme foncière

Depuis 2019, le Comité technique « Foncier et développement », présidé par le Ministère de l’Europe et des Affaires Etrangères et l’Agence Française de Développement appuie des réseaux d’acteurs stratégiques sur les réformes foncières dans 7 pays d’Afrique de l’Ouest (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée, Mali, Niger, Sénégal) et à Madagascar.

Au Sénégal, le foncier est régi par la Loi sur le domaine national (loi 64-46 du 17 juin 1964) qui verse toutes les terres non immatriculées (sur la base du décret du 26 juillet 1932) dans le domaine national. Celle-ci a connu de nombreuses difficultés d’application du fait de l’inachèvement de son opérationnalisation (certaines dispositions n’ont jamais été clarifiées) et par le fait qu’elle n’a jamais été totalement acceptée par les populations, qui se sont vu retirer leurs droits coutumiers au profit d’un simple droit d’usage révocable en cas de non mise en valeur de leurs terres. Le système de gestion coutumier des terres a donc perduré dans la plupart des régions du Sénégal, avec l’accord tacite de l’administration et des élus locaux (voir en particulier la page pays sur le Portail Foncier, la Fiche pays sur la gouvernance foncière au Sénégal).

Depuis 1996, plusieurs processus de réforme foncière ont été initiés sans aboutir (voir la note de synthèse n°18). Des incertitudes importantes demeurent quant à la poursuite du dernier processus national de réforme foncière lancé en 2012 par le Président de la République, et brutalement interrompu en 2017 avec la dissolution de la Commission Nationale de Réforme Foncière (CNRF). Cette dissolution a fait suite au dépôt du document de politique foncière résultant d’un large processus de concertation à la base. Depuis lors, différents actes sont posés (projets de développement visant l’enregistrement systématique des droits, lois sur les zones économiques spéciales, décrets d’application sur les modalités de mise en œuvre de la LDN), faisant craindre à la société civile la mise en œuvre d’une « réforme en douceur » qui ne prendrait pas en compte toutes les aspirations et besoins des acteurs ruraux.

Atelier sur les trajectoires des politiques foncières au Sénégal

Afin de faire le point sur la situation de la gouvernance foncière au Sénégal, un atelier national a été organisé en avril 2019 par plusieurs organisations membres du CRAFS avec l’appui du Comité. Il a été animé par le Conseil national de concertation et de coopération des ruraux (CNCR) et Enda Pronat, et a réuni de nombreuses organisations de la société civile, membres du Cadre de réflexion et d’action sur le foncier au Sénégal (CRAFS). Les discussions ont permis entre autres de mettre en exergue la nécessité de créer une alliance forte entre organisations de la société civile et élus locaux autour des enjeux de gouvernance foncière locale pour obtenir des améliorations concrètes sur le terrain et parvenir à relancer le dialogue politique avec l’Etat du Sénégal autour de la poursuite d’un processus inclusif de réflexion sur les réformes à engager. Les actes de cet atelier sont en ligne sur le Portail.

Pour faire suite à ces réflexions, le CRAFS a élaboré une feuille de route globale, dont certaines activités ont fait l’objet d’une demande d’accompagnement du Comité. Ces activités, coordonnées par le CNCR pour le compte du CRAFS, portent principalement sur la réalisation d’études et le renforcement d’un dispositif de veille et d’alerte porté par la société civile. Ces activités sont présentées succinctement ci-dessous :

Capitalisation du processus de mise en œuvre du PDIDAS (Projet de Développement Inclusif et Durable de l’Agrobusiness au Sénégal)

Le PDIDAS, financé à hauteur de 43 milliards de FCFA (prêt de la Banque Mondiale de 40 milliards de FCFA et don de 3 milliards du FEM), est intervenu dans 9 communes autour du lac de Guiers. Il visait à aménager 10 000 hectares, en mobilisant d’une part les terres des communautés et d’autre part les ressources financières d’entreprises commerciales. Il s’agissait ensuite de mettre à disposition les terres aménagées pour moitié aux entreprises commerciales privées et pour l’autre moitié aux producteurs locaux. Démarré au moment où l’Etat avait engagé un large processus de concertation pour élaborer les orientations de sa réforme foncière, la mise en place du PDIDAS a aussi été présentée par ses promoteurs comme une opportunité pour tester un nouveau modèle de gouvernance foncière par une nouvelle approche et de nouveaux instruments juridiques reposant sur la délivrance de baux et sous-baux.

Afin de suivre cette dynamique et apporter tout le soutien nécessaire aux populations concernées, le CRAFS a mis en place dès 2015 un dispositif de veille citoyenne dans les zones d’intervention du PDIDAS afin d’accompagner les maires concernés en les aidant à s’organiser au sein d’un collectif. L’étude de capitalisation du PDIDAS a été menée de façon inclusive et participative, avec notamment l’implication de la cellule de coordination du PDIDAS, des autorités locales (collectif des 9 maires de la zone du PDIDAS), des services techniques décentralisés et des communautés locales. Les points saillants de cette étude, qui a montré les nombreuses insuffisances du projet du point de vue des acteurs à la base et des élus locaux (faible taux d’aménagement des terres, recrudescence des conflits liés aux opérations foncières réalisées dans le cadre du projet, difficultés de pérennisation, etc.) ainsi que les débats tenus durant l’atelier de restitution organisé en mars 2022 à Saint-Louis ont été repris dans les actes de l’atelier qui sont publiés sur le Portail.

Atelier national de restitution de l’étude sur les zones économiques spéciales (ZES)

Dans le cadre d’un chantier collectif coordonné par IIED pour le compte du Comité Foncier, une étude sur les ZES a été conduite au Sénégal. L’atelier de restitution de cette étude a été organisée par le CRAFS à Dakar en mars 2022 et a permis de débattre des enjeux liés au développement des ZES en présence de toutes les institutions clés : Agence de promotion des investissements (APIX), comité paritaire public-privé pour les ZES, bureau de prospective économique du Ministère de l’Economie, élus locaux, enseignants-chercheurs, communautés locales impactées et organisations de la société civile (voir le rapport de l’atelier de restitution de l’étude sur les ZES au Sénégal).

Le constat a été partagé quant aux difficultés rencontrées : seuls 3% des 1000 ha des ZES sont aujourd’hui aménagés (seule la ZES de Diamniadio est réellement fonctionnelle). Pourtant quand une ZES est créée, le foncier tombe dans le domaine privé de l’Etat et les populations perdent leurs droits. Cela est problématique. Une réforme du cadre juridique des ZES est envisagée par le Ministère de l’Economie car il a été observé de nombreuses insuffisances. La restitution a également été l’occasion pour la société civile de faire valoir son rôle et il lui a été proposé d’intégrer le comité paritaire sur les ZES, qui est le lieu adéquat pour porter les préoccupations des populations lors de ses différentes sessions. Enfin, un plaidoyer a été développé sur la nécessité pour l’Etat de s’appuyer sur les standards internationaux pour une reconnaissance des droits locaux et la mise en place de justes indemnisations des populations expropriées lors de la création de ZES.

Cet atelier a largement été relayé dans la presse nationale :

https://www.seneweb.com/news/Societe/senegal-les-limites-des-zones-conomique_n_374165.html

https://youtu.be/1xte5MUbMBs

http://apanews.net/fr/news/senegal-les-zes-ne-profitent-pas-aux-populations-rurales-etude/

https://youtu.be/BBItZJ7qvfs

https://youtu.be/qZopUZSs-l4

https://www.africapresse.paris/IMG/pdf/rapport_zess_-_ipemed-ame_-_fr_final_au_23_09_21.pdf

http://directactu.net/2022/03/17/videoeconomie-le-crafs-rend-publique-son-etude-sur-les-zes-de-sandiara-diasset-diamniadio/

Les résultats de l’étude conduite au Sénégal ont aussi été partagées lors d’un webinaire international organisé par le Comité Foncier en septembre 2022.

Redynamisation de l’observatoire national de la gouvernance foncière (ONGF)

L’ONGF est une plateforme qui vise à contribuer à l’amélioration de la gouvernance foncière inclusive et participative au Sénégal à travers la veille, l’alerte, la production de connaissances et la diffusion d’informations sur les dynamiques foncières afin d’appuyer et/ou orienter la formulation et la mise en œuvre de politiques foncières qui promeuvent la paix, la cohésion sociale et la gestion durable des ressources naturelles. Des actions soutenues par le Comité ont également permis de le redynamiser, dont principalement : (i) la finalisation de la mise en place des cellules zonales de base de l’ONGF (organisation de 6 ateliers éco-géographiques) (ii) La formation des membres de ces cellules zonales sur les enjeux de gouvernance foncière ; (iii) leur formation à la veille et l’utilisation des outils de collecte des données élaborés ; (iv) l’analyse des données issus du dispositif pour alimenter les rapports nationaux de l’ONGF.

Renforcement de la visibilité du CRAFS et des propositions qu’il porte dans le cadre du processus de réforme foncière

Cette activité vise principalement à renforcer la visibilité du CRAFS et des propositions qu’il porte par la capitalisation et publication des résultats de ses activités. Il s’agit d’une part de donner à voir le rôle qu’il a joué et son implication dans tous les projets portés par l’État, mais aussi de réaffirmer les propositions issues du large processus de concertation qui avait été conduit à la base afin d’avoir une position préventive vis-à-vis de tous les processus de réformes que l’État voudrait engager.

En même temps, le CRAFS cherche à développer un vaste programme de communication en direction des acteurs communautaires, institutionnels et cherche à saisir l’opportunité de la campagne électorale pour faciliter un dialogue entre les citoyens et les différents candidats pour que leurs préoccupations soient prises en compte dans leurs programmes respectifs. Ces actions visent aussi à terme à pousser l’Etat à finaliser de façon intégrale le processus de réforme foncière.

Plusieurs activités sont envisagées d’ici le début de l’année 2024 :

  • Élaboration d’argumentaires et animation de débats pré-électoraux sur le foncier,
  • Dialogue politique avec les décideurs locaux et nationaux sur les politiques foncières et la gouvernance foncière,
  • Renforcement de capacités des acteurs locaux et appuis aux collectifs de lutte contre l’accaparement des terres.